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Marsal dans l'Antiquité

La sédentarisation, à partir du Néolithique, rendit plus forts les besoins en sel. Loin de la mer et de ses ressources salines, on utilisait l'eau de sources salées. Du Bronze final à La Tène finale l'exploitation du sel prit des proportions importantes. A l'époque gauloise, Marsal est une bourgade active du territoire des Médiomatriques : travail du sel, métallurgie de transformation, entrepôts, ateliers, lieux d'échanges... En témoignent les céramiques, importées ou locales, et les monnaies gauloises qui viennent de toute la Gaule.
Les Romains profitèrent à leur tour de cette prospérité. Ils modernisèrent le travail du sel. La voie entre Metz et Strasbourg passait su le ban de Marsal. Elle venait de Morville-les-Vic et de Salival. Bien qu'aucun itinéraire antique ne le mentionne, un vicus routier se trouvait au lieu-dit Hauts-de St-Jean1. Une stèle, trouvée en 1842 et conservée au Musée de Metz, porte une dédicace à l'empereur Claude et donne le nom antique de Marosallum2. Le Saulnois était alors couvert de domaines ruraux prospères, dont la photo aérienne et les fouilles nous révèlent aujourd'hui les villae et les annexes. Marosallum leur servait sans doute de centre urbain.

L'exploitation du sel

Le Musée du Sel décrit les techniques d'extraction et de production du sel à l'époque protohistorique. Nous connaissons cinq centres où s'exerça cette activité. Marsal semble le plus remarquable. Un réseau de chemins permettait l'exportation.

Les sources salifères sont exploitées de façon quasi industrielle selon la technique du briquetage, qui a façonné la campagne des alentours. Les dépôts de terre cuite, que l'on étudie actuellement, couvrent une superficie de 120 ha ; sous l'église de Marsal, par exemple, l'épaisseur fait 7,40 m. Ce gisement archéologique est connu depuis la fin du XVIIe siècle, lorsqu'on étendit les fortifications de Marsal. Les fouilles récentes permettent de dater le briquetage de la Seille entre le Bronze final et La Tène finale3.Elles ont aussi précisé les phases de la fabrication et fixé la typologie des godets, bâtonnets, plaquettes, cuvettes et autres ustensiles. Ces éléments étaient fabriqués en grande série et séchés avant d'être utilisés.Les fouilles ont révélé deux sortes de fours creusés dans le sol, qui pouvaient servir une douzaine de fois. Les fours circulaires servaient à la concentration du sel. On garnissait de charbon de bois le fond de la fosse. On plaçait dans le four, sur des cales, des cuvettes qui contenaient entre 10 et 20 l d'eau salée. La chaleur favorisait l'évaporation et la concentration de la saumure.
Le sel était conditionné lors d'une seconde étape. On installait au fond des fours en fer à cheval, au dessus du combustible, une sorte de grille faite de bâtonnets et de colifichets en terre. On plaçait des godets de terre pleins de saumure dans la grille. Sous l'effet de la chaleur, le sel se précipitait et se cristallisait dans ces moules, que l'on cassait ensuite pour récupérer le pain de sel. Le dispositif était détruit aussi. On jetait les déchets de terre cuite sur des dépotoirs, qui ont formé peu à peu les îlots de briquetage.Le briquetage semble avoir été abandonné au profit des poêles à sel à la suite de la colonisation romaine. Cette nouvelle technique permettra une production industrielle4. Les poêles à sel étaient des cuves en tôles rivetées ; elles étaient rectangulaires et peu profondes, mais d'une surface assez grande. On les suspendait à un assemblage de poutres, au dessus d'un foyer5. On chauffait la saumure à une température de 60 à 80°. Le sel se déposait au fond du récipient, en cristaux d'autant plus fins que la température était élevée. De temps en temps, on raclait le fond avec un outil à long manche (volant) et on laissait le sel à égoutter au dessus des cuves.

Les fortifications de Marsal

La prospérité de Marsal semble s'être poursuivie pendant la période troublée qui fait suite aux Antonins. Nous ignorons comment le bourg résista aux invasions et s'il s'était mis à l'abri de fortifications. Les archéologues ont découvert des nécropoles mérovingiennes dans les environs. Au VIIe siècle, au moins 13 ateliers produisent des monnaies sur lesquelles on lit Marosallo Vico. Marsal devient le siège d'un des quatre archidiaconés du diocèse de Metz.
Jusqu'au XVIe siècle, l'exploitation du sel connaît une grande expansion sous l'autorité des évêques de Metz6. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, Marsal s'entoure d'une enceinte fortifiée. C'est une période florissante, bien que l'évêché de Metz doive se défendre des prétentions de grands seigneurs, du Duc de Lorraine surtout. Ils menaceront souvent la place, jusqu'à ce que l'évêché de Metz soit rattaché à la couronne de France en 1552. En ces temps incertains, Marsal est ballottée entre le Duc et le Roi. L'industrie du sel se poursuit néanmoins, enjeu de ces luttes incessantes.
Le Duc Charles III est vainqueur à la fin du XVIe siècle. Il entreprend de protéger la ville par un système défensif à bastions. Il ne terminera pas son œuvre, mais on entretiendra ces fortifications jusqu'à la fin du XVIIe siècle. La Guerre de Trente Ans (1618-1648) dévaste la région. Le Roi de France finit par l'emporter sur le successeur de Charles III7. Sur les conseils de Vauban, les fortifications ducales sont relevées et améliorées. Pendant la Révolution et le Premier Empire, Marsal reste éloignée des conflits, mais retrouve son importance stratégique sous la Restauration. Louis-Philippe fait restaurer les fortifications et construire de nouveaux bâtiments. La ville retombe dans l'oubli sous le Second Empire. Les fortifications sont percées pour y faire passer des routes. Certaines parties sont mises en culture ou servent de pâture ; d'autres sont laissées à l'abandon. Il faut attendre 1927 pour qu'elles soient restaurées. Elles sont classées Monument Historique depuis 1938.

  • 1. Ou Côte St-Jean, sur les cartes actuelles.
  • 2. TI CLAUDIO DRUSI F CAESAR AUG GERMAN (...) PONT MAX TRIB POTESTAT III IMP III P P COS DES (...) VICANI MAROSALLENSES PUB DEDICATA VIII K OCTOB ANNO C PASSIENI CRISPI II T STATILIO TAUROCO. C. Robert la date de 43 ap. J.-C. Cf. C. Robert et R. Cagnat, Epigraphie gallo-romaine de la Moselle, II, Paris 1873, p. 7 et suiv.
  • 3. Cf. A. Kiner, Les Celtes, une histoire pleine de sel, in Sciences et Avenir, oct. 2001, p. 103 et suiv.
  • 4. Pemière mention d'une poêle à sel en 682, dans un texte qui se rapporte à Marsal
  • 5. Ce système causait un grande déperdition de chaleur. Aussi l'un des plus importants perfectionnements consista à canaliser les gaz chauds entre des murets de briques, sur lesquels on posait les poêles
  • 6. Au XIIIe siècle, une trentaine d'établissements religieux dirigent plus d'une centaine d'ateliers de production.
  • 7. En 1663, Louis XIV vint en personne recevoir les clefs de la ville. Cet événement est immortalisé par une tapisserie des Gobelins conservée au château de Blois

Référence à citer

Marc Heilig, Petite balade dans la vallée de la Seille (Moselle), archeographe, 2004. https://www.archeographe.net/Petite-balade-dans-la-vallee-de-la