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Haguenau avant le grand incendie de 1677.

Après la Guerre de Trente Ans, les fortifications de Haguenau, ville française, ne devaient pas avoir fière allure car le conflit y avait fait ses ravages. Réparées par les troupes impériales entre 1625 et 16271, elles sont de nouveau bombardées en janvier 1633 lors du siège de la ville par les Suédois2. A ce moment, le nombre d'habitants se réduisait à environ 1100 personnes, soit un sixième de ce que la cité comptait au temps de sa prospérité. Trop faible pour défendre utilement les fortifications avancées, Metternich, commandant de la place, les fit démolir et imposa cette corvée aux israélites de la ville. Vue cavalière de Haguenau. Un rapport sur Haguenau adressé à l'Empereur par une commission le 25 avril 1654 décrit ainsi la ville : le mur d'enceinte, qui a une lieue d'étendue3, est encore debout avec ses galeries couvertes, lesquelles servaient de chemin de ronde, mais les toits de ce dernier sont enfoncés4.

Le plan Duportal5 représente Haguenau à l'aube de sa destruction de 1677. L'enceinte comportait alors des fossés avec des vannes, quarante tours6, huit rondelles et des bastions. Le plan Duportal. On reconnaît, sur ce plan, les bastions triangulaires promus par Specklin7, et on voit que les fortifications de la ville ont évolué depuis 1622.
Le double fossé du Moyen Âge, tel qu'il est représenté par la gravure de la ville de Van der Heyden ci-dessus, a été remplacé par un fossé unique équipé d'écluses. La largeur de ce fossé, exagérément grossie sur le dessin, permet de distinguer l'aménagement hydraulique destiné à compenser la différence du niveau de la Moder à l'entrée et à la sortie de la ville8. On devine là les premiers travaux des ingénieurs du Roi. Dans cette nouvelle configuration, le fossé est subdivisé en biefs, coupés aux portes de la ville et à l'entrée des deux bras de la Moder par des ouvrages comme ceux qu'on peut voir à Toul.

Le fossé de l'enceinte de Toul à la Porte de Metz.Le fossé de l'enceinte de Toul à la Porte de Metz.Le fossé de l'enceinte de Toul à la Porte de Metz.

C'est peut-être sur le plan Duportal qu'on trouve la première matérialisation des idées de Vauban à Haguenau. Maître dans l'utilisation de l'eau, celui-ci avait prévu, dans ses ouvrages, que lorsque les assaillants tentaient de faire des chaussées pour passer les fossés, on emporterait leurs travaux en lâchant des chasses d'eau vigoureuses en ouvrant les vannes. Ce plan, toutefois, ne donne pas de détails sur l'intérieur de Haguenau et ses habitants.En 1697, le mémoire de l'intendant Jacques de La Grange9 vante la gloire du passé, quand Barberousse fit entourer la ville de murailles, et constate qu'il y avait de très beaux bâtiments (…) mais (la ville) ayant été brûlée et démolie pendant les dernières guerres, elle se trouve à présent enceinte d'une simple muraille. La plupart des maisons n'ont point été rebâties. Il n'y en a plus que trois cent cinquante (tant) grandes que petites, quatre cents familles qui sont très pauvres et environ deux mille six cents âmes.
En 1702, le mémoire dû à l'ingénieur militaire Guillin10 rapporte qu'on avait autrefois quelques demi-lunes dans des endroits où les murailles ont été démolies et il ne reste plus qu'une simple enceinte de muraille de quinze à vingt pieds de hauteur au-dessus du rez-de-chaussée flanquée de quelques coupes peu considérables. Ces murailles sont de diverses épaisseurs. Il y en a de quatre pieds et demi percées de créneaux fort éloignés les uns des autres avec un chemin de ronde. Il se trouve que depuis que cette place a été brûlée, très peu de gens s'y sont établis, ce qui fait qu'elle est encore dans un grand désordre. La moitié des maisons qu'il y avait autrefois n'étant pas rétablie, la bourgeoisie y est très pauvre, tant pour la raison ci-dessus que parce qu'il n'y a pas de commerce et que les passages des troupes qui y sont fréquents les fatiguent beaucoup.

  • 1. AMH BB 61.
  • 2. J. Rott, Etudes haguenoviennes 1948, p. 93. F. Rapp, Histoire de Koenigsbruck, Société d'histoire du Ried 1998, p. 144. Klélé, Guide, 1925. Guerber I, p. 286 et II, p. 370.
  • 3. Ancienne mesure linéaire de valeur variable, la lieue faisait 4444 m ; la lieue commune de France (ou de poste) valait 3898 m. Une heure de marche se compte pour une lieue commune de France.
  • 4. F. Rapp, Histoire de Koenigsbruck , Société d'histoire du Ried, p. 148.
  • 5. Antoine Duportal, né le 17 mars 1673, directeur des fortifications d'Alsace en 1713, a épousé Marie-Marguerite Tarade, fille de Jacques Tarade, directeur des fortifications dont il fut le successeur.
  • 6. Le nombre varie, selon l'auteur et l'époque, de 48 à 54. Guerber p. 315 et 572. Lempfried en compte 48 : voir Jahresbericht des Hagenauer Altertums-Vereins, Zweites Heft, p. 79.
  • 7. Architectura von Vestungen, publié la première fois en 1589 et réédité jusqu'au XVIIIe siècle.
  • 8. Cette différence de niveau de la Moder est d'environ 3,50 m et varie avec la pluviosité.
  • 9. C. Muller, Annuaire du Ried 2007, p. 20.
  • 10. Idem, p. 48.