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Le vieil hôpital de Haguenau.

Sceau de la ville de Haguenau. Frédéric Barberousse1, qui avait une résidence impériale sur l'île de la Moder2, dit avant de partir en croisade en 1189, dans l'acte de fondation du Vieil Hôpital3, aujourd'hui église Saint-Nicolas :
« Au nom de la Sainte et Indivisible Trinité, Frédéric, par la clémence divine, empereur des Romains.(...) Nous voulons mériter le sort de ceux à qui le juge du jugement dernier dira : Venez, les bienheureux, et prenez part au royaume de mon père ! C'est pourquoi Nous avons construit un hôpital sur nos terres à Haguenau, pour y rompre le pain aux affamés et que l'on y reçoive les errants et les pauvres.(...) Au nom de la Sainte et Indivisible Trinité, Frédéric, par la clémence divine, empereur des Romains. »

La statue de Spire.

L'Empereur donne ainsi le but de la fondation Vieil Hôpital, mais en réalité il a peut-être récupéré et développé un établissement préexistant sur l'ancien Urweg. La création d'un hôpital en dehors de la ville n'a rien d'exceptionnel à cette époque4 car entre 1150 et 1230, au moment où l'accroissement de la population et l'émigration vers la ville étaient les plus forts, les hôtels-Dieu ont souvent été transférés vers l'extérieur de la cité pour des raisons sanitaires5.On peut donc trouver plusieurs motivations à la fondation6 du Vieil Hôpital par Frédéric Barberousse :
- Prendre des mesures prophylactiques7. L'endroit s'y prête bien, les vents sont favorables et l'eau rejetée évite la ville.
- L'établissement qui existait probablement déjà à cet endroit serait peut-être devenu insuffisant.
- Placé hors les murs, du moins avant la construction de la troisième muraille vers 1300, les Prémontrés pouvaient y séparer les véritables pèlerins de ceux qui ne l'étaient pas car dans le flot se trouvaient souvent des éléments douteux8.
- Implorer les bonnes grâces et la protection du Ciel avant de partir pour une croisade dont il ne devait pas revenir9.Vu l'importance du culte des rivières chez les Celtes10, cet établissement comportait probablement un endroit réservé aux Dieux. La traversée de la Moder présentait les mêmes difficultés dans les deux sens, on donc peut imaginer un tel abri sur les deux berges. Christianisés par la suite pour les besoins de la cause, on pourrait chercher là l'origine de l'église Saint Nicolas, et aussi celle de Saint Georges qui était placée sur une colline en face du gué11.

La statue de Spire.

L'église du Vieil Hôpital, initialement dédiée à la Vierge12, aurait possédé comme relique un doigt de Saint-Nicolas. Il est donc normal qu'en sa qualité de patron des voyageurs, il ait pris très tôt le pas sur elle. Nous voyons, de part et d'autre du porche d'entrée de l'église, les statues du saint patron Nicolas et de Saint Norbert, patron des Prémontrés, auxquels Frédéric Barberousse a confié l'hospice, mais nous ne trouvons pas de traces de saint Jacques, qui y aurait eu sa place en ce lieu.L'histoire du développement de l'hospice n'est pas bien connue. La première église a probablement été incendiée en 1298 par les Strasbourgeois. Vers 1300, la tour romane, ou ce qui en restait après l'hypothétique incendie, a été englobée dans une première extension de l'église, agrandie par la suite en 1424. En 1455, il est fait mention d'un autel dédié à saint Jacques13. A cette époque l'intérieur des églises étaient peint. Saint-Jacques avec sa coquille figurait probablement sur une fresque. Malheureusement toutes les peintures murales ont été effacées lors des rénovations, surtout après les importants dégâts des combats de la Libération en 1945.

  • 1. Empereur de 1155 à 1190.
  • 2. Il y a séjourné cinq fois.
  • 3. On sait que les textes sont en général rédigés par le Pouvoir, donc pas nécessairement objectifs. Très souvent ils sont valorisants. Voir aussi les Etudes haguenoviennes Tome XV 1989 - A.M. Burg P. 29.
  • 4. Frédéric Barberousse a également fondé un hospice à Kaiserslautern et l'a confié aux Prémontrés, comme celui de Haguenau.
  • 5. A. Guillerme, Le temps de l'eau, 1990 Collection Champ Vallon, p. 110.
  • 6. Attribution à une œuvre existante de fonds destinés à un usage précis. Petit Larousse 1985.
  • 7. Dès la seconde moitié du X e et jusqu'au XII e siècle, une organisation d'hospices très complète facilite le voyage et pourvoit le long des principaux itinéraires à l'hébergement des pèlerins et au maintien de leur bonne santé physique et spirituelle. Elle est mise au point par les Bénédictins de Cluny, secondés par d'autres grands ordres religieux dont les Prémontrés.
  • 8. Le célèbre prédicateur médiéval Geiler de Kaysersberg (1445-1510), qui prêcha pendant 32 ans à la cathédrale de Strasbourg et n'hésitait pas à pourfendre les travers de la société de son temps, y compris le clergé, se moquait des pèlerins qu'il traitait de voleurs de poules, ceux de Saint-Jacques comme des autres.
  • 9. Sur ce dernier point, en effet, l'investissement s'est révélée peu rentable car Frédéric Barberousse s'est noyé dans le Cyndus au sud de la Turquie en cours de route.
  • 10. En témoigne le nom de la Moder qui vient de leur déesse de la fécondité Madra. Historiens et linguistes sont d'accord sur ce point. Voir A. Wagner, AMH D'où vient le nom de la Moder ?
  • 11. Il se trouve que l'abbaye de Koenigsbruck est installée exactement de la même façon sur la berge droite du Sauerbach, au bord d'une ancienne voie gallo-romaine.
  • 12. Frédéric Ie avait ajouté dans sa charte de 1189 « un oratoire en l'honneur de Marie, la Mère de Dieu, de saint Paul apôtre et de saint Nicolas confesseur, où le prévôt des Prémontrés, assisté de quatre clercs et d'un certain nombre de frères lais, servira Dieu sans relâche ». Cet oratoire devait en même temps servir de paroisse aux populations du voisinage. Il est probable qu'en sa qualité de patron par excellence des pèlerins et des voyageurs, saint Nicolas ait pris très tôt le pas sur la Vierge et saint Paul ; car à partir de 1313 l'établissement porte toujours son nom. L'église posséderait comme relique un doigt de ce saint. Voir A.M. Burg, dans Etudes haguenoviennes, Tome. XV, 1989.
  • 13. V.Guerber Histoire politique et religieuse de Haguenau II. 1876 P 101.