Vous êtes ici

L'abbaye de Jovilliers

Dans la campagne de Stainville s'élèvent les ruines de l'abbaye que les Prémontrés1 édifièrent à Jovilliers à partir de 1132 sur des terres que leur avait données le sénéchal de Champagne Geoffroy de Joinville. L’évêque de Toul Henri de Lorraine confirma la donation en 1141. La construction du premier monastère, avec l'église abbatiale Saints-Pierre-et-Paul, débuta l’année suivante. 

Les Huguenots (en 1592, puis en 1611) et la Guerre de Trente Ans (1618-1648) laissèrent l'abbaye en ruines. Il ne reste rien de cet ancien établissement car, en 1731, l'Abbé Claude Collin, grâce à l'aide des Prémontrés de Pont-à-Mousson, entreprit une reconstruction complète dans le style classique de l'époque. On utilisa pour cela la pierre de Savonnières, un beau calcaire local de teinte beige qui, avec le temps, prend une patine d’un gris bleuté. Les travaux se poursuivirent jusqu'à la mort de l’abbé en 1743, mais tout ne fut pas achevé, comme en témoignent les chapiteaux des tours de l'église. La clef de l’arc de la baie au-dessus du portail central porte la date de 1758. 

La Révolution démantela la propriété, qui fut vendue par lots à des exploitants agricoles. Les bâtiments furent pillés et en partie démolis au cours du XIXe s. L'église servit de carrière, si bien qu'il n'en reste aujourd'hui que l'imposante façade. Sa composition surprenante comprend deux tours reliées par une partie centrale concave ; l'ensemble fait deux niveaux que sépare un entablement mouluré. L'aspect quelque peu massif est heureusement tempéré par des niches et des pilastres corinthiens2. Autant qu’on puisse en juger, puisque tout a disparu, l’église comprenait une nef et deux bas-côtés. Les supports étaient ornés de chapiteaux ioniques.

Le cloître et les bâtiments conventuels, qui enferment la cour de la ferme actuelle, sont mieux conservés. Ils sont d'un style plus sobre, presque sévère, en particulier le cloître. On remarquera, dans la cour, à côté de l’église, l’édifice monumental du XVIIIe s. qui protège le puits : quatre colonnes soutiennent le dôme « à l’impériale » de la toiture. Toute la propriété est ceinte d’un puissant mur de clôture dont le portail est dans l’axe de l’église.

Les vestiges de l'abbaye de Jovilliers sont inscrits aux Monuments Historiques depuis 1995, et la protection s'étend aux alentours. L'association Jovilliers Échanges et Culture organise des visites et diverses manifestations.



  • 1. L’ordre de chanoines réguliers des Prémontrés, aussi appelés Norbertins, fut fondé par Norbert de Xanten à partir de 1120 sur une terre offerte par l’évêque de Laon Berthélémy de Jur. Les Pémontrés suivent la règle de St Augustin et, de ce fait, exercent leur apostolat à la fois dans l’Office divin et auprès des fidèles des paroisses. L’ordre fut réformé au début du XVIIe s. par Servais de Lairuelz, abbé de Ste-Marie-au-Bois, en Lorraine : cette réforme concerna une quarantaine d’abbayes dont Ste-Marie-Majeure, à Pont-à-Mousson fut l’abbaye mère. Les biens de l’ordre furent vendus comme biens nationaux à la Révolution.
  • 2. Les chapiteaux de ceux des deux tours ne sont pas terminés.

Référence à citer

Marc Heilig, Un patrimoine en péril : anciennes abbayes de la Meuse, archeographe, 2015. http://www.archeographe.net/abbaye-meuse-jovilliers-st-benoit-en-woevre-etanche