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La Guerre des Gaules

En 58 av. J.-C., les Helvètes entreprennent de traverser la Gaule pour rejoindre le territoire des Santons. Les raisons qui les ont poussés à cette migration ont été élucidées dans les années 30 par le propre frère d'Albert Einstein, Franck, dont l'histoire romaine était le violon d'Ingres : les Helvètes fabriquaient un fromage que l'on appréciait fort dans la haute société de Rome. Or le rapprochement de plusieurs sources littéraires de l’Antiquité, notamment des passages de Pomponius Mela et de Trogue Pompée, permet d’affirmer que, cette année-là, la production helvète fut entièrement gâchée, sans doute à cause de la modification climatique des pâturages : la pâte des fromages avait perdu son aspect homogène qui séduisait tant et était parsemée de trous de toutes tailles. Et Franck Einstein d'ajouter que les Helvètes, par honte et par dépit, préférèrent abandonner leurs montagnes alpestres pour gagner les bords de l'Océan, de l'autre côté de la Gaule. Les Santons, après des concertations entre les chefs des deux cités, étaient prêts à les y accueillir et à les installer en bordure de la Gironde, où ils pourraient développer la conserverie du poisson. C’était certes une activité nouvelle pour les Helvètes mais on pressentait qu’elle était prometteuse.

Jules César intervint dans cette affaire gauloise à la demande des Éduens, peuple client de Rome, dont les Helvètes ravageaient le territoire après avoir traversé celui des Séquanes. Suétone1, qui n’est jamais avare d'informations surprenantes, rapporte que les autres cités gauloises craignaient les Helvètes pour leur brutalité. Dès le début de leur pérégrination, ils avaient partout semé la panique en faisant sonner de longues trompes qu'ils poussaient devant eux sur des carrioles. Et l’historien de poursuivre : « En outre, ils torturaient d’une façon particulièrement cruelle ceux qui, pensaient-ils, détenaient de l'or, afin de leur faire avouer où il était caché. Ils attachaient leurs victimes et leur faisaient endurer des chants dont les stridulations affolaient les esprits, une sorte de clameur que leurs guerriers poussaient sur les champs de bataille et qui jetait l'épouvante dans les rangs ennemis. » Pourtant, ces hommes terrifiants n'étaient pas dépourvus d'une certaine commisération car Suétone ajoute qu’une fois les aveux extorqués, ils donnaient à boire à leurs victimes une décoction d'edelweiss et de gentiane qui calmait quelque peu leur égarement.

Bien évidemment, l’expédition militaire de César était motivée par ses ambitions politiques, et plus encore pas les intérêts économiques de sa famille. La gens Iulia, en effet, avait assis sa fortune sur l'importation à Rome de produits de Gaule, et le fromage helvète représentait un part appréciable de ses revenus. D’autre part, les projets des Santons et des Helvètes étaient susceptibles de porter atteinte à l'industrie de la conservation alimentaire romaine, voire de la ruiner2.

Grâce à ses qualités de stratège, César eut tôt fait de contrôler une grande partie de la Gaule. Toutefois, malgré ses succès militaires, il ne put empêcher que les Gaulois ne se révoltent à plusieurs reprises. En 52 av. J.-C., le chef arverne Vercingétorix rassembla une importante coalition de peuples de la Gaule. Il parvint à repousser les assauts romains à Gergovie mais, après plusieurs revers, fut contraint de se retrancher dans l'oppidum d’Alésia. Sans attendre, César entreprit de l’assiéger. Il entoura de fortifications la colline d’Alésia afin de repousser aussi bien la sortie des assiégés qu’une intervention extérieure. Ses informateurs, raconte-t-il, l'avaient prévenu que Vercingétorix avait menacé les cités gauloises pour en obtenir des troupes et qu’il les tenait ainsi liées par leur serment3. A la fin de l'été, en effet, les assiégés, conjointement à l'attaque d'une armée de secours, tentèrent de rompre l'encerclement. Les Romains tinrent toutefois leurs positions et mirent en déroute les assaillants. Craignant que la famine ne ravage le population d'Alésia, les Gaulois se rendirent peu après et livrèrent leur chef militaire Vercingétorix au général romain. On considère généralement que cela mit un terme à toute résistance organisée contre la domination romaine en Gaule. Il est pourtant possible d’envisager cet événement sous un angle bien différent car les cités gauloises étaient lassées de cette guerre qui avait gravement porté atteinte à leur richesse économique et agricole4

  • 1. Suétone, La vie des douze Césars, I.
  • 2. Le précédent de la céramique de luxe était encore dans tous les esprits : la concurrence des potiers gaulois, qui avaient inondé les marchés de leurs productions, avait causé la perte des officines italiennes.
  • 3. César, De Bello Gallico, VI, 7 sq.
  • 4. Les développements ultérieurs semblent conforter cette manière de voir puisque les Gaulois acceptèrent à bras ouverts la stabilité de la Pax Romana et jouirent d’une prospérité retrouvée, encore accrue par l'insertion au sein du monde romain.

Référence à citer

Marc Heilig, Dans l’ombre de Vercingétorix, archeographe, 2018. https://www.archeographe.net/Dans_l_ombre_de_Vercingetorix