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L'uniforme

Comme la statue définitive, le Poilu de Maizières porte la tenue réglementaire : une lourde capote qui descend en dessous du genou, de solides brodequins de cuir aux semelles cloutées et des bandes molletières. Ces dernières confirment qu’il s’agit bien d’un soldat de la troupe car, pendant la Grande Guerre, les guêtres étaient réservées aux officiers et sous-officiers.

Les jambières de cuir qui équipaient auparavant les soldats furent remplacées par des bandes molletières en drap à partir d'octobre 19141. Elles étaient plus souples et recouvraient le haut des souliers, comme on le voit bien sur nos statues, empêchant ainsi la terre et la boue de s'y introduire. Ces bandes présentaient malheureusement l'inconvénient de prendre l'humidité2.

Le reste du costume est caché par le manteau ; tout juste aperçoit-on le col d’un épais chandail. Sur le large ceinturon de cuir3, passé par dessus la capote, sont accrochées diverses pièces d'armement, mais aussi des bretelles, qui apparaissent en partie ici.

Le soldat est coiffé du casque de tranchée, le casque Adrian qui, à partir de septembre 1915, remplaça le képi que l'on avait pourtant renforcé au début de l'année par une calotte d'acier (cervelière). Ce casque, conçu par les Ets. Japy Frères de Paris4, fut commandé en grand nombre par le sous-intendant Louis Adrian, qui lui donna son nom. Pour accélérer la production, plusieurs usines furent mises à contribution.

La fonction première de ce casque n'était pas d'arrêter une balle de fusil mais de protéger les soldats des éclats d'obus qui explosaient au dessus des tranchées5. Il était composé de cinq parties : la bombe en tôle d'acier laminé, garnie à l'intérieur d'une coiffe en cuir6, la visière, le protège-nuque et le cimier, qui devait amortir les chocs et en répartir les effets sur la bombe. L'insigne de l'arme du soldat était agrafé à l'avant de celle-ci. Tous ces éléments sont bien visibles sur la statue de Maizières, et plus encore sur celle de Metz.

Le casque Adrian, qui pesait entre 670 et 750 g, était plus léger que ceux des soldats britanniques et allemands. Il était de couleur bleu-horizon. Au début, la peinture était d'aspect brillant, ce qui, sous le soleil, faisait de ces casques des cibles évidentes. Les soldats prirent donc l'habitude de les enduire de boue, avant qu'on ne leur distribue une peinture mate pour les repeindre. On arrêta la production de ce casque en octobre 1918 parce que l'on pensait qu'il apportait une protection insuffisante7


  • 1. Elles étaient bleu-horizon, la couleur que l'armée française choisit en 1915 pour l'uniforme de ses soldats. Chaque bande faisait 2,20 m de long ; elle était plus large au milieu (environ 14,50 cm) qu'aux extrémités (environ 7,30 cm). On l'enroulait autour du mollet, en haut duquel on la fixait par un lacet cousu au drap.
  • 2. A cause de ces bandes molletières, beaucoup de poilus souffrirent du « pied de tranchée », une infection qui se soldait souvent par l'amputation des orteils ou du pied.
  • 3. Le ceinturon était pourvu d'une boucle de cuivre à deux artillons, ce qui n'apparaît guère sur les deux statues.
  • 4. Notamment grâce à la collaboration du chef d'atelier Louis Kuhn.
  • 5. Il s'avéra rapidement que les pertes de soldats au combat venaient en grande partie de blessures à la tête. Celles-ci passèrent de 77 % à 29 % après l'adoption du casque Adrian.
  • 6. L'hiver, les poilus n'hésitaient pas à rembourrer leur casque de tissu ou de papier journal.
  • 7. Pourtant, en février 2020, une étude comparait la résistance au souffle d'une explosion du casque allemand, du casque britannique et du casque Adrian. Ce dernier se révéla nettement supérieur aux autres, essentiellement grâce à son cimier qui se montra non seulement efficace contre les éclats d'obus, mais aussi contre les ondes de choc. Cf. Allen W. Yu,Christopher P. Eckersley,Cameron R. Bass, Primary blast wave protection in combat helmet design : A historical comparison between present day and World War I, 13 février 2020
    Cette étude a été amplement relayée par la presse :
    Philippe Chapleau, Le casque Adrian (1915) protègerait mieux des souffles d'explosion que les casques modernes, Ouest France, 20 février 2020
    Jeanne Bulant et AFP, Un casque français de 1915 protège mieux des souffles d'explosion que les casques modernes, BFM TV, 18 février 2020

Référence à citer

Marc Heilig, Frères d'armes, archeographe, 2020. https://www.archeographe.net/freres-d-armes