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D'où vient cette légende ?

De très nombreuses légendes glorifient le chêne, une des essences principales de la forêt primitive de Haguenau. N'oublions pas que les Haguenoviens, grâce au droit de glandée qui leur avait été donné par la charte de Barberousse en 1164, y faisaient paître de 7 à 10 000 cochons sous la surveillance du porcher communal.

Le chêne est l'arbre sacré dont de nombreuses traditions ont défié les siècles. C'est l'arbre par excellence, celui de Zeus-Jupiter, le dieu du tonnerre. Il représente l'axe du monde tant chez les Celtes qu'en Grèce, il est symbole de solidité, de puissance, de longévité et de hauteur, autant au sens spirituel que matériel et, en tout temps et tout lieu, synonyme de force. En latin, chêne et force utilisent le même mot robur, force morale et force physique. Les guerriers valeureux sont couronnés de feuilles de chêne.
Cet arbre est l'instrument de communication entre le ciel et la terre : Abraham a reçu les révélations de Yahvé auprès de chênes. Les exemples abondent dans la mythologie grecque : dans l'Odyssée, Ulysse, sur son retour, vient consulter deux fois le feuillage divin du grand chêne de Zeus ; dans son sanctuaire de Dodone, le dieu donnait des oracles par le truchement du vent dans le feuillage des chênes ; la Toison d'Or, gardée par un dragon, était suspendue à un chêne... Les druides, dont le nom se traduit par homme de chêne, ont droit à la fois à la sagesse et à la force puisque ces deux valeurs sont symbolisées par cet arbre. Par son tronc, par son feuillage touffu et par son propre symbolisme, il est chez les Celtes l'emblème de l'hospitalité et l'équivalent d'un temple. C'est aussi, selon la légende, l'arbre sous lequel Saint Louis rendait la justice.On ne trouve pas de mention de culte druidique en forêt de Haguenau, mais il est fort possible que la tradition populaire véhicule des légendes païennes locales. Il se peut que l'Eglise les ait reprises à la gloire de saint Arbogast, qui aurait ressuscité le fils d'un roi Dagobert tué par un sanglier.

Inondation au Gros Chêne.

Le XIXe siècle, celui du romantisme et de la mythologie, fut une époque favorable aux légendes. Le subconscient collectif aidant, la population était disposée à accepter cette légende sans prêter attention au manque de vraisemblance. En effet, le site du Gros Chêne est inondable1 et un arbre en vie depuis le VIe siècle une impossibilité évidente.Ainsi ce site plaisant, sur la rive de l'Eberbach, suffisamment loin pour procurer un dépaysement mythique et assez près pour y aller et en revenir dans la journée, est quasi devenu un lieu de pélérinage. Il est vrai que nous nous trouvons là en Forêt Sainte, où séjournaient des ermites aux XIVe ou au XVe siècles, comme le rappelle le nom de la maison forestière du Bruderhaus au bord de la route de Woerth, la Maison des Frères.

  • 1. L'ancien nom de l'Eberbach, Bieberbach, rappelle la présence de castors. Par leurs barrages, ces animaux, sympathiques par ailleurs, rehaussaient le niveau de l'eau et rendaient les berges marécageuses, donc impropres à la vie d'un ermite à proximité.

Référence à citer

André Wagner, Saint Arbogast sous le Gros-Chêne en forêt de Haguenau., archeographe, 2007. https://www.archeographe.net/Saint-Arbogast-sous-le-Gros-Chene