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Peintures murales

Ouvrons une petite parenthèse pour parler de ces peintures murales. La dernière restauration en a révélé des vestiges en plusieurs autres endroits. Il semble d'une part avoir souligné les éléments architecturaux : plinthe rouge surmontée d'un bandeau rouge sombre au bas des murs, lignes rouges le long des arcs du chœur.

Plinthe rouge et bandeau rouge foncé au pied du mur nord de la travée de la nef.Décor peint des arcs de la voûte du choeur.

D'autre part, des motifs plus élaborés ornaient certaines parties de l'église, comme les rinceaux dans la nef et sur l'intrados de l'arc triomphal. Le chœur, on l'a vu précédemment, est l'espace le plus soigné de l'édifice. Le décor peint le confirme encore : frise de trèfles sur l'arc triomphal, décor géométrique sur les retombées des arcs et des colonnettes, conservé dans l'angle sud-ouest, traces de feuillage le long de l'arc nord-est, ogive sur le mur nord, au dessus de la porte actuelle...

Détail des rinceaux de la travée de la nef.Peintures de la travée de la nef et de l'arc triomphal.Rinceaux sur l'intrados de l'arc triomphal, au nord.Rinceaux sur l'intrados de l'arc triomphal, au sud.Décor peint de l'arc sud ouest du choeur.Détail du décor de la retombée de l'arc sud-ouest du choeur.Détail du décor de la colonnette de l'arc sud-ouest du choeur.Décor peint du mur nord du choeur, au dessus de la porte d'entrée.Décor peint à motif de trèfles sur l'arc triomphal, côté choeur.Vestiges de décor floral peint le long de l'arc nord-est du choeur.

Nous ignorons quand ces peintures furent réalisées et si elles appartiennent à un même programme de décoration1. Elles doivent néanmoins être assez tardives. Dans la nef, en effet, les rinceaux couvrent le haut du mur nord de la travée qui subsiste, et épousent assez maladroitement la courbe de la voûte.

Rinceaux peints dans la travée de la nef, côté nord.

Or ce mur date d'une époque où le bas-côté nord avait déjà disparu, donc après le milieu du XVIIIe siècle puisque le plan des environs de 1750 le mentionne encore. Et, bien évidemment, elles furent exécutées avant les événements de la Révolution. Ces observations nous donnent une fourchette approximative maximale : entre 1750 et 1789.Fermons ici cette digression, et revenons à notre étude de l'église.----

Tout ceci est fort disparate, et l'on peut y trouver les traces de nombreuses transformations. D'un point de vue architectural, nous sommes en présence de plusieurs programmes. L'arc en plein cintre et les consoles appartiendraient au plus ancien ; la croisée d'ogives serait un aménagement plus tardif, auquel on peut sans doute associer la fenêtre du mur sud, voire la porte. Celle-ci indiquerait que l'édifice se poursuivait au nord. Les baies du mur est sont des remaniements, bien que la plus élevée soit située dans l'axe longitudinal de l'édifice : il se peut que, de ce côté, la croisée d'ogives se soit poursuivie par une abside.

Le mur est du choeur.

L'édifice a subi des modifications plus grossières. A commencer par le dispositif bancal des colonnettes. Leurs fûts sont visiblement tronqués. D'un simple point de vue d'architecture, elles sont d'ailleurs inutiles : on voit bien aujourd'hui qu'elles ne supportent pas la voûte, qui se suffit à elle-même ou était peut-être consolidée de contreforts disparus.

La console nord-ouest.La console nord-ouest et le chapiteau de la colonnette correspondante.La console et la colonnette nord-est.Chapiteau de la colonnette nord-estLa colonnette sud-est.Chapiteau de la colonnette sud-est.

Toutefois, on peut penser que ces colonnettes remplacent un dispositif plus ancien, mais analogue. L'esthétique y serait mieux satisfaite : dans ce cas, il faudrait considérer les consoles comme les abaques de supports qui meublaient les angles. Enfin, la baie aveugle de l'armoire, manifeste un déni de toute connaissance architecturale.

L'armoire.L'armoire.

Si nous cherchons à replacer cette pièce dans le plan général d'une l'église, nous devons certainement être dans le choeur. Bien qu'il soit étroit2, il faut vraisemblablement le prolonger par une abside à l'est. L'arc en plein cintre ne saurait être que l'arc triomphal, qui sépare le choeur de la nef. Ainsi, contrairement à ce que prétend Maujean, l'édifice est à peu près orienté.

Le choeur vue de la nef.Naissance de l'arc triomphal au sud.

La seconde partie de l'édifice mesure environ 3,06 m sur 2,72 m. Cet espace est voûté d'arêtes en berceau3. Le mur sud est entièrement occupé par un arc en plein cintre bouché, tout comme le mur ouest4.

La colonne.Chapiteau de la colonne.Base de la colonne.

Le fait remarquable est la présence, dans l'angle sud-ouest, d'une grosse colonne en calcaire jaune. La base, composée de deux tores, repose sur un dé. Le chapiteau est campaniforme, séparé du fût par une astragale ; il supporte une abaque carrée5. De l'extérieur, cette colonne est mieux visible encore, et l'on voit bien les deux arcs perpendiculaires qu'elle supporte.

Chapiteau de la colonne vu de l'extérieur.Chapiteau de la colonne vu de l'extérieur.Chapiteau de la colonne vu de l'extérieur.

L'espace de cette seconde partie est donc ceint de trois côtés d'un arc en plein cintre, dont l'un, à l'est, est plus élevé ; on ne peut juger du quatrième côté, au nord, car à cet endroit la maçonnerie originelle est masquée par des rajouts.

L'arc sud et la colonne.La colonne et les arcs ouest (à gauche) et sud (à droite).

On lit en de multiples endroits que l'arc sud est l'ancienne porte qui donnait sur le cimetière. Nous devons définitivement rejeter cette hypothèse car ce serait une baie d'une bien trop grande largeur. De plus, la colonne, dans le type d'architecture qui nous concerne, est forcément à l'intérieur de l'édifice, au centre d'un fait architectural. Dans notre cas, elle supporte au moins deux arcs, dont l'un, celui de l'ouest est un arc doubleau, ce qui nous confirme l'existence d'une voûte d'arêtes.

Nous pouvons donc imaginer que cette seconde partie de l'église se poursuivait à l'ouest, mais aussi au sud : nous serions ainsi dans une travée de la nef centrale, qu'une deuxième travée prolongeait à l'ouest. Au sud, une nef latérale longeait le vaisseau principal. Y avait-il une nef latérale au nord aussi ? Rien ne permet de l'affirmer. Tout ce que l'on peut dire c'est que le plan le demanderait.En ce qui concerne la longueur du sanctuaire, on sait qu'il était au bord du chemin d'Augny, aujourd'hui la rue Franiatte6. Pour atteindre la voie, il faudrait donc accorder 2 travées à la nef : celle qui nous reste et celle que suppose la colonne. Cela ne serait encore pas suffisant, mais si nous pensons que l'église avait un narthex, nous arrivons à la rue. Un plan à trois nefs conviendrait bien à un narthex tripartite, dont la partie sud serait occupée par la tour du clocher.Ces observations, pour spéculatives qu'elles soient, nous conduisent à envisager un édifice bien plus important que celui qui nous est parvenu. Nous pouvons en proposer le plan vraisemblable : une église à nef principale de deux travées, bordée au sud, et peut-être au nord, d'une nef latérale ; l'ensemble est complété par un narthex bi ou tripartite7 avec clocher au sud8, et d'un choeur avec abside dont la transition avec le vaisseau se fait par un arc triomphal. Cela correspond à un plan basilical. Ce pourrait être celui d'un sanctuaire d'une certaine importance, où se trouvaient des reliques de saint Privat. Comme le rappelle Albert Bosch9, l'église Saint-Privat entrait dans le cycle de processions solennelles de la cathédrale.Peut-on envisager autre chose ? Rien, dans ce qui nous est parvenu, ne permet d'évoquer l'éventualité d'un transept, et de passer ainsi d'un plan basilical à un plan en croix latine. Si l'on devait le faire, notre seconde partie deviendrait la croisée du transept, et l'arc sud donnerait sur le bras sud de celui-ci. Le vaisseau central serait alors réduit à une seule travée, ce qui est invraisemblable. D'ailleurs, on doit garder à l'esprit plusieurs choses. Le plan basilical est plus ancien que le plan en croix latine. A l'époque où fut établie l'église Saint-Privat, on devait disposer de toute la place nécessaire10. Par contre, lorsque l'on voulut transformer l'église, ou la reconstruire, le cimetière, qui s'étendait autour de l'édifice, limitait la possiblilité d'une trop grande extension et aurait empêché l'implantation d'un transept. On a pu simplement reprendre le plan basilical, en apportant quelques modifications à la construction : passage, peut-être, d'une voûte en berceau à une voute d'arêtes, remaniement du choeur.

Fenêtres du mur nord.

Comment était éclairée l'église ? Étrangement, l'édifice actuel a un étage ou, du moins, un niveau au dessus du plafond de la partie conservée. Nous n'avons pu y aller. A l'ouest du mur nord, on voit à ce niveau trois fenêtres. Elles ne présentent aucune unité, ni dans leur facture, ni dans leur situation dans le mur et, bien qu'elles soient anciennes11, on ne sait comment les intégrer dans l'église, qu'elles n'éclairent pas.

Le toit de l'édifice restauré n'a qu'un seul pan.Cheneau au dessus de la partie conservée du choeur.Élément de cheneau.

La couverture a été restaurée à un seul pan, ce qui convient à un édifice de la taille des vestiges. Nous devons pourtant considérer que nous n'avons plus qu'une petite partie de l'église. La nef centrale avait vraisemblablement une couverture à deux pans, les bas-côtés pouvaient être chacun couvert en appentis. Plan de l'église vers 1750.

Nous ne pouvons faire l'impasse sur le plan des années 1750, le seul document qui nous montre le sanctuaire avec un peu de détails. Et nous constatons avec surprise que nos propositions n'en sont pas si éloignées qu'il y paraît d'abord. En effet, nous savons qu'il y avait dans l'église deux autels secondaires. Ils figurent sur le plan, mais nous ne saurions les placer dans nos vestiges. La restitution de bas-côtés nous le permet. Or, d'une façon imparfaite, le plan de 1750 reprend une division tripartite de l'église. Il ne fait erreur que dans la situation exacte des voûtes d'arêtes de la nef, ce qui cause des distorsions à l'ensemble. En effet, elles n'étaient pas si larges et laissaient la place à des bas-côtés au fond desquels se trouvaient les autels secondaires. On remarquera aussi que ce plan représente un choeur avec abside, ce que nous avions supposé.

Plan restitué de l'église.La partie conservée de l'église.L'édifice tel qu'il nous est parvenu.

  • 1. A ce sujet, on remarquera que le décor géométrique de l'arc sud-ouest du chœur est d'un style fort différent de celui des rinceaux.
  • 2. Ses proportions feraient penser à une croisée de transept.
  • 3. Pour ce que l'on peut en voir car, en réalité, on ne distingue qu'une partie d'une arête est-ouest, et il est possible qu'elle soit le résultat d'un crépissage.
  • 4. Mais de ce côté, l'arc n'apparaît qu'à moitié car un remaniement le masque d'un ressaut.
  • 5. Dé, base et chapiteau ont été retaillés.
  • 6. Cf MAUJEAN Léon, La Lorraine historique, Notice de Montigny-lès-Metz, vers 1930, p. 42 et sq. : « De la nef, aujourd'hui détruite, nous savons peu de chose. Elle s'étendait jusqu'à la rue actuelle et sa longueur était d'environ douze mètres. »
  • 7. Selon la présence ou non d'une nef latérale nord.
  • 8. Cf MAUJEAN Léon, La Lorraine historique, Notice de Montigny-lès-Metz, vers 1930, p. 42 et sq. : « Une tour carrée s'élevait à l'angle sud-ouest ; on en distingue encore le soubassement, sur lequel a été construite la partie de la maison habitée par un coiffeur. »
  • 9. « C'est dans l'église (...) qu'était prévue la Xe station sans cérémonie de la procession du 3e jour des Rogations. On sait que ces processions solennelles de la cathédrale prenaient presqu'une journée. Saint-Privat était la dixième église visitée depuis la cathédrale et c'était encore l'aller ! La procession venait du prieuré Saint-André (Sablon), 9e station, entrait pour quelques instants dans l'église Saint-Privat et poursuivait sa marche vers Saint-Ladre, 11e station. » Cf Albert BOSCH, Causeries sur le passé de Montigny-lès-Metz, p. 34, Vingtième et unième causerie.
  • 10. C'est pourquoi nous pensons qu'un bas-côté nord est fort vraisemblable. Les observations de Maujean vont dans ce sens. « Ce petit sanctuaire était-il autrefois l'église paroissiale de Saint-Privat ? C'est absolument impossible. Non seulement l'officiant eût été bien gêné pour faire l'office dans un espace de 2m 50 de largeur, mais la nef n'aurait pu contenir qu'une dizaine de fidèles au plus, il fallait donc que l'église s'étendît sur un espace voisin.
    Du côté du cimetière, cette extension est inadmissible, car on trouve à cet endroit la muraille ancienne, très épaisse, et l'angle sud-est du toit y est marqué par une gargouille sans ornement, bien certainement d'époque. D'ailleurs la petite fenêtre murée du chœur indique que la lumière venait de ce côté seulement.
    Il fallait donc que l'église s'étendît vers le nord. Or on trouve de ce côté, à 2 m 80 de la petite chapelle, une muraille de deux mètres d'épaisseur, à l'intérieur de laquelle on a même pratiqué, dans toute sa longueur, un corridor. Nous l'avons retrouvée intacte dans le sous-sol. Il est probable que cette muraille formait le mur extérieur nord de l'édifice, et cette hypothèse est renforcée par le fait que dans notre petit chœur il n'y avait pas de fenêtre de ce côté. » Cf MAUJEAN Léon, La Lorraine historique, Notice de Montigny-lès-Metz, vers 1930, p. 42 et sq.
  • 11. L'encadrement de celle qui est la plus à l'ouest a une jolie moulure gothique ; les deux autres sont plus simples. Nous ne savons pas s'il existait des fenêtres sur le mur opposé.