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L'époque moderne jusqu'à la Révolution

L'arc sud vu de l'extérieur. L'église de Saint-Privait venait d'être reconstruite1 lorsque la région subit les conséquences du siège de Metz en 1552. Le duc de Guise fit détruire tous les bâtiments, et le hameau et son église n'échappèrent pas à ses ordonnances2. On sait toutefois qu'elle ne furent pas strictement observées, ce qui donne à penser que le petit sanctuaire de Saint-Privat ne fut pas entièrement rasé3. Sans doute les démolisseurs se sont-ils surtout occupés du clocher, un élément qui pouvait servir de repère dans le paysage, et de faire en sorte que les bâtiments de l'église, du village et du prieuré ne puissent offrir un retranchement à l'ennemi. L'église fut ensuite rapidement remise en état car les calvinistes y célèbrent leur premier office le 21 septembre 1561 en présence de leurs deux ministres, M. Pierre et M. Taffin. Saint-Privat perdit donc son rang de paroisse catholique et fut annexé à celle de Magny4. Bien que l'église de Saint-Privat fût « un lieu estroict et incapable de recevoir la dixesme partie de ceux qui désirent jouyr de la pure prédication de la parole de Dieu5 », les protestants durent s'en contenter. Ils l'échangèrent au mois de décembre de cette même année contre une nouvelle église élevée près de la porte Ste Barbe, mais ils y revinrent en 1597.

L'arc sud vu de l'extérieur.

En 1563, on retrouve mention de la métairie de Saint-Privat, propriété de l'abbaye de Saint-Clément. Cette année-là, en effet, les religieux la louent à un certain Henry Chardot, à charge pour lui d'en relever les bâtiments6. La ferme ne devait pas être de bon rapport. Elle est dans un triste état en 1620. Les relations entre l'abbaye et ses tenanciers seront d'ailleurs toujours tendues. Elle dut plusieurs fois aller jusqu'au procès pour toucher son loyer et, en 1643, les religieux obtinrent de la justice que le fermier leur restitue la maison7.

L'arc sud vu de l'extérieur.

En 1641 est fondé à Montigny le couvent de religieuses Saint-Antoine-de-Padoue. Il prend rapidement une telle importance qu'il devient nécessaire de définir l'église où sera célébré l'office dominical. C'est à dire, en, réalité, de désigner l'église qui tiendrait le rang de paroisse. En 1650, Mgr de Brédacier, suffragant de l'évêque de Metz, donne la primauté à l'église des religieuses, tout en sauvegardant le caractère paroissial de celle de Saint-Privat, où la messe doit être dite le jour du saint éponyme et le Jeudi Saint8. La requête, en 1660, des habitants de Saint-Privat pour recouvrer la messe du dimanche, n'a pas de suite car l'abbesse du couvent, dame Scholastique de Brouilly, se montre fort vindicative dans une lettre qu'elle adresse à Monsieur l'abbé de Coursan, vicaire général de l'évêché de Metz. Tout en y rappelant les termes de l'ordonnance précédente, elle avance un nouvel argument : Montigny compterait plus de 60 habitants, alors qu'il n'y en aurait que quatre ou cinq à Saint-Privat9. Elle obtient gain de cause, ce que confirme l'évêque de Metz le 7 juillet 1671 lors d'une visite dans les deux paroisses. Le différend s'envenime encore avec les récriminations des religieux de l'abbaye Saint-Clément envers le curé de Magny, qui est aussi le desservant de Saint-Privat. Ils entendent en effet exercer leur droit à y célébrer lors de certaines fêtes.

La colonne vue de l'extérieur.

Désireux de résoudre enfin ces querelles de paroisses, Mgr Georges d'Aubusson de la Feuillade, évêque de Metz, se rend à Saint-Privat le 23 avril 1676, où les différents avis lui sont exposés. Les habitants de Saint-Privat savent le convaincre. Lorsque la Seille déborde, affirment-ils, il est impossible d'administrer les derniers sacrements aux mourants. Ils tournent aussi à leur avantage l'argument démographique : le nombre d'habitants augmente et l'on compte beaucoup de familles protestantes dont on peut espérer la conversion. Ils abordent enfin l'aspect pécuniaire puisque les dîmes perçues par l'abbaye pourraient entretenir un curé sur place, et ce d'autant mieux qu'il y a déjà un presbytère. « Il nous plut restablir et remettre un curé au dit lieu St Privé avec obligation à lui de rester sur les lieux », conclut l'évêque dans son ordonnance.

  • 1. En 1522, comme le rapporte Philippe de Vigneulles.
  • 2. « On abattait toutes les maisons joignant les murailles de la ville, assez pour laisser un espace libre entre les maisons et les murs, pour pouvoir y mettre les gens en bataille. Beaucoup de maisons descendaient jusque dans les fossés, à cause de la longue paix dont jouissait la ville de Metz. » Bertrand de Solignac, rapporté par Maujean. Cf MAUJEAN Léon, La Lorraine historique, Notice de Montigny-lès-Metz, vers 1930, p. 44.
  • 3. La partie qui en est conservée encore aujourd'hui présente des traits architecturaux antérieurs.
  • 4. C'est un retournement de la situation antérieure : Magny n'avait alors qu'une chapelle et dépendait du prieuré de Saint-Privat.
  • 5. Paul MEURISSE. La religion réformée se répandait rapidement. On mentionne 4000 auditeurs à la prédication de Saint-Privé en juillet 1561. Cf François REITEL et Lucien ARZ, Montigny-lès-Metz, 1988, p. 53.
  • 6. Cf François REITEL et Lucien ARZ, Montigny-lès-Metz, 1988, p. 49 : « La métairie est composée de dix parcelles de terre, représentant une superficie de cent jours et demi. Le loyer est fixé à 24 quartes de grains, deux tiers blé et un tiers avoine. »
  • 7. Cf François REITEL et Lucien ARZ, Montigny-lès-Metz, 1988, p. 50.
  • 8. Mgr de Bédacier, évêque d'Auguste, suffragant de l'évêque de Metz, ordonne pour le soulagement et commodité des habitants de Montigny que la messe qui se dit les jours de fêtes et dimanche dans l'église paroissiale de Saint-Privé se dira dorénavant en l'église des religieuses dudit Montigny (...) Pour conserver la marque d'église paroissiale à celle de Saint-Privé, nous enjoignons au curé de Magny de célébrer le service en ladite église le jour de la fête de Saint-Privé et le jour du Jeudi Saint… Cf François REITEL et Lucien ARZ, Montigny-lès-Metz, 1988, p. 55.
  • 9. Elle va même jusqu'à accuser ces derniers de vouloir nuire à son couvent.