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La sirène.

La sirène, cet être marin hybride, mi-femme mi-poisson, se présente avec une ou deux queues. Elle se prête à plusieurs interprétations symboliques, toujours en relation avec l'eau. Avec une queue, elle fait partie des symboles du mal et représente les voluptés de ce monde et le mal en général. Son chant est trompeur; celui qui se laisse séduire par elle risque la mort. C'est ainsi qu'elle mène les marins à leur perte en mer et, comme dans la Lorelei, sur le Rhin1.
Avec deux queues, elle est le symbole de la fécondité car l'eau est la source de la vie. Son attitude, les deux queues toujours relevées, est à mettre en relation avec la gestation et la naissance. Le gros ventre de celle de la cathédrale de Saint-Dié ne laisse aucun doute à ce propos. On la trouve ainsi représentée du XIe au XVIIIe siècle, à la basilique de Paray le Monial, sur les fontaines de Belfort ou au château de Wurzbourg.
La sirène est aussi le symbole de la dualité de la vie humaine, partagée entre vie organique et vie spirituelle. Autrefois on allait aux sources demander guérison à la divinité féminine qui les personnifiaient.

Sirènes doubles de la chapelle du château.

La sirène figure plusieurs fois parmi les vestiges de la chapelle impériale du château de Haguenau2 exposés au Musée Historique ; sa silhouette complète la contre-arcature formée de l'effigie de Frédéric Barberousse et de colombes. Dans ce cas particulier, le monstre peut avoir une double signification symbolique. Placée entre les deux bras de la Moder, qui doit son nom à la déesse mère celte Madra3, la sirène rappelle la divinisation de la rivière qui fertilise les contrées qu'elle traverse, une subsistance païenne. La sirène qui allaite ne laisse aucun doute sur sa fonction maternelle dans la symbolique. Et dans cette chapelle impériale, elle représente encore la dualité de la vie de l'homme.

  • 1. Selon le célèbre poème sur le Rhin de Heinrich Heine, écrit en 1824.
  • 2. Ce château, qui était sur l'île de la Moder, fut démantelé en 1688.
  • 3. Les cartes de la région de Haguenau du XVIIe siècle donnent différents noms à la Moder qui se ressemblent tous : Madra, Matra, Mutter, Moter, Motre ou Mother. On retrouve ce nom sous d'autres formes en remontant plus loin dans les écrits : fluuins matra dès 702, fluminium quae uno nomine Matera vocantur en 886, Mathera en 1170, die Matre en 1310, die Matere en 1341, Mater en 1365, der Moderbach en 1494 ou Moternbach en 1528, et Modter en 1590.
    En France : Matrona pour la Marne, Meyronne près d'Argens dans le Var, la Maronne, que l'on trouve en divers endroits, par exemple en Seine-Maritime près de Brousseval, en Haute-Marne, etc.
    A l'étranger : Märkt, près de Lörach, en Pays de Bade, aurait la même origine, ainsi que Matrei au Brenner, Modeja et Matrinum en Italie, Matrica en Hongrie, etc.